Dans notre société il est plus ou moins politiquement correcte d’être intolérant avec l’obésité.
La culpabilisation des obèses autorise à les mépriser, et à s’en moquer. Diverses idées reçues y encouragent : les obèses sont paresseux, les obèses sont sales, les obèses sont stupides, les obèses sont des goinfres, les obèses sentent mauvais, les obèses n'ont pas de respect pour ceux qui ont faim, les obèses sont moches, les obèses sont des individus perturbés et mal dans leur peau…
Avec mes remerciements à Loisel.
Il est évident que dès l’enfance ce n’est pas la joie d’être obèse dans notre société, du fait des blagues, moqueries, discours moralisants, mais aussi de la mode (peu de vêtement grande taille) et de la norme : on n’entre pas dans un siège de cinéma, de jardin, d’avion, de salle d’attente, de café, de théâtre… On est trop lourd pour l’escabeau, pour la table d’occultation, on ne peut pas fermer la ceinture de sécurité, on ne rentre pas dans la machine du scanner…
Mais il y a d’autres choses plus méconnues, et l’une d’elles est de mon point de vue très grave : la prise en charge médicale. Je ne parle pas ici de nutrition ou de « chirurgie de l’obésité » (anneaux gastriques, bi-pass, qui sont soit dit en passant gravement barbares), mais de la prise en charge normale d’une personne ordinaire.
Je me tords la cheville, je vais chez le docteur. Je suis obèse ? Il va me dire que je me suis tordu la cheville à cause du surpoids et qu’elle ne guérira pas bien à cause de cela, donc je dois maigrir d’urgence, mais de toute façon c’est foutu.
J’ai mal au dos ? Maigrissez.
J’ai mal au ventre ? Faites un régime.
J’ai une mycose vaginale ? C’est le surpoids.
Etonnant tout cela, sachant combien de femmes minces ont mal au dos, combien de sportifs se tordent la cheville, et que j’ai moi-même connu plusieurs femmes très minces souffrir de mycoses…
On peut en déduire qu’en réalité les personnes obèses ont une santé exceptionnelle, car si elles n’étaient pas obèses elles ne souffriraient d’aucun mal physique!! Une étude médicale passionnante est à faire…
Ce serait amusant si ça ne laissait pas les personnes obèses dans une situation de non soin aggravée par le fait qu’elles se sentent (elles le sont) souvent humiliées par les réflexions et critiques du personnel médical. Elles en arrivent alors pour certaines à ne plus consulter, et s’automédiquer à leurs frais. Tant que c’est possible.
Le problème s’aggrave avec le désir de grossesse. Beaucoup de femmes obèses n’osent pas aller voir leur gynécologue pour en discuter. Inévitablement on va leur déconseiller une grossesse immédiate et les encourager à perdre du poids.
On n’est pas obèse par choix, ou très rarement ! En général lorsqu’on décide d’avoir un enfant, on lutte contre le surpoids depuis 10, 20 ans ou plus… Souvent même on a repoussé la grossesse pendant des années dans l’espoir justement de parvenir à maigrir pour avoir une meilleure grossesse… Nous somme des adultes, nous ne prenons pas une décision à la légère… Et quand enfin on parvient à accepter ce handicape et que l’on décide de s’autoriser à vivre et à être heureux : à être parent, la chose que l’on souhaite le plus depuis des années, on nous répond « hé ho, vous êtes obèse, il faut maigrir d’abord ».
La situation dégénère facilement. La future mère s’angoisse, car non seulement elle est informée de l’augmentation des risques durant la grossesse, mais elle est également au courant de la diminution de la fertilité chez les femmes obèses. Pour peu qu’elle ne tombe pas rapidement enceinte, et à moins qu’elle ait réussi à perdre du poids, elle ne se rendra plus chez son gynécologue et s’enfoncera dans la dépression, persuadée que personne ne l’aidera, et cela parfois pendant des années ! (sachant que chaque année voit diminuer la fécondité d'une femme)
De nombreux témoignages expliquent la peur du médecin chez ces personnes. Des commentaires du type : « non je ne vous ferai pas de fécondation in vitro, les obèses ont une espérance de vie trop courte, je ne vais pas fabriquer un petit orphelin »
D’ailleurs sur ce sujet relevons le fait divers anglais sur ce couple (Mr & Mrs Hall) à qui l’on a refusé l’adoption en raison de leur espérance de vie amoindrie par l’obésité…
Pour les femmes obèses désirant un enfant l’ambiance est celle ci : pour quelques pourcents de risque gestationnels supplémentaires, on juge déraisonnable d’encourager de telles grossesses… Quelle différence monstrueuse avec la joie, la magie et l'encouragement débonnaire offerts à la démarche d'une femme ordinaire... Pourtant l’on assiste les grossesses de personnes atteintes du VIH ou d’autres maladies dangereuses pour l’enfant. Pourtant l’on n’interdit pas aux parents incestueux, violents, ou simplement alcooliques, drogués, ou fumeurs d'avoir de nouveaux enfants ! (J’ai même lu des articles très déculpabilisants pour les fumeuses, les décourageant d'arrêter de fumer)
Quant à celles qui ont la chance d'être rapidement enceintes, un long chemin reste à faire, avec des réflexions désobligeantes à chaque échographie, des encouragements abérents, du type "perdez du poids pendant votre grossesse" (les risques de carences sont graves et l'enfant ne peut pas puisser dans les graisses !!), des refus de péridurale, etc.
L'augmentation de l'obésité en occident aurait pu faire penser que l'on serait obligé de prendre ces personnes en compte et de les respecter, et que par conséquent cette situation s'améliorerait, mais pour le moment c'est plutôt le contraire : une sorte de panique sociale, gouvernementale et médicale ne fait qu'agraver les préjugés et le rejet.
Le gros n’est manifestement pas l’égal de l’homme.
Glossaire :
Anneau gastrique: La Gastroplastie par Anneau Gastrique Ajustable est une intervention chirurgicale qui consiste à changer la forme de l'estomac au moyen d'un anneau ajustable passé autour de sa partie toute supérieure. Dès les premières bouchées, la poche au-dessus de l'anneau est pleine, car elle ne peut contenir qu'environ 15 à 20 cc. Un sentiment de satiété est alors ressenti. Les aliments solides doivent être très consciencieusement mastiqués. Une fois les premières bouchées dégluties, il faut attendre patiemment qu’elles aient franchi l’anneau sous peine d’accumulation dans l’œsophage et de régurgitations. Pour cela, il est fondamental d’aménager son emploi du temps quotidien pour pouvoir faire des repas étalés sur 30 ou 45 mn, bien qu’en petite quantité et surtout le plus possible en dehors du stress, sous peine de spasmes qui rendent alors l’alimentation impossible. Certains aliments, même bien mastiqués pourront être à l’origine « d’accrochages douloureux », certaines viandes notamment et devront être écartées ou mixées. Les incidents et complications en rapport avec la gastroplastie existent. Certaines peuvent être graves.
Bypass : On divise l’estomac pour délimiter une petite poche gastrique dite proximale, d’une capacité restreinte à 50 ml environ, séparée du reste de l’estomac. Elle est ensuite reliée directement à l’intestin grêle (le jéjunum) par une anastomose entre celui-ci et la poche gastrique. Les aliments passent ainsi directement dans l’intestin grêle proximal, de telle sorte que tout le reste de l’estomac est court-circuité, mais aussi le duodénum et les premières anses intestinales. Le bypass gastrique combine trois éléments : la restriction alimentaire (comme pour l’anneau modulable), avec une satiété rapide, un certain effet de malabsorption (proportionnel à la longueur d’intestin court-circuité, qui peu varier) et un effet « dumping » si on avale trop rapidement des produits sucrés ou lactés (malaise et ballonnement, pouls accéléré). L'opération est irréversible, et les complication peuvent être très graves voire mortelles.